Jusqu’à présent, un salarié en abandon de poste pouvait être licencié par l’employeur, le plus souvent pour faute grave, puis prétendre à des allocations chômage.
Pour contrecarrer cet effet jugé pernicieux, la loi Marché du travail du 21 décembre 2022 a institué une présomption de démission en cas d’abandon de poste par un salarié, ce qui a pour effet de le priver du droit aux allocations versées par Pôle emploi.
Ainsi, un nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail prévoit qu’un salarié ayant abandonné volontairement son poste de travail et ne le reprenant pas après avoir été mis en demeure de le faire et de justifier son absence dans un certain délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.
Il s’agit d’une présomption simple, pouvant être contestée par le salarié devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui statue sur la nature de la rupture et ses conséquences et ce, dans le délai d’un mois suivant sa saisine.
Le décret d’application était attendu. Il vient d’être publié.
Un décret du 17 avril 2023 précise la procédure de mise en demeure et fixe à 15 jours le délai minimal donné au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste après la mise en demeure.
Selon le Ministère du travail, il s’agit de jours calendaires.
L’employeur constatant que le salarié a abandonné son poste et souhaitant faire jouer la présomption de démission doit donc le mettre en demeure par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en mains propres contre décharge (si le salarié est absent, nous doutons qu’une remise en mains propres ne puisse intervenir…) de justifier son absence et de reprendre son poste.
Le délai commence à courir à la date de présentation de cette mise en demeure.
À l’issue du délai, en l’absence de réponse ou s’il ne prend pas son poste dans le délai imparti, le salarié est présumé démissionnaire.
Il sera également considéré comme tel s’il répond clairement à l’employeur qu’il ne reprendra pas son poste sans davantage justifier son absence.
Dans ce cas, les règles de droit commun s’appliquent et il est supposé devoir effectuer un préavis de démission mais compte-tenu du contexte, il est peu probable qu’il l’effectue : dans ce cas, l’employeur ne lui devra aucune indemnité compensatrice.
Le Ministère du travail précise que le salarié sera considéré comme démissionnaire « à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur », c’est-à-dire le dernier jour du délai imparti.
Il semblerait cependant logique de plutôt retenir le lendemain de cet « ultime jour ».
Le décret détermine ensuite les conditions dans lesquelles le salarié peut invoquer un motif légitime susceptible de faire obstacle à cette présomption de démission.
Il reviendra alors au bureau de jugement du conseil de prud’hommes, saisi par le salarié, d’évaluer la « qualité » de la justification qu’il avance.
S’il l’estime légitime, l’abandon de poste sera imputable à l’employeur et produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, justifiant le versement des indemnités de rupture afférentes et permettant le cas échéant au salarié de prétendre au bénéfice des allocations chômage.
Dans le cas contraire, il produira bien les effets d’une démission, privative de toute indemnité et allocation.